Depois dos vários desastres nucleares, especialmente o último ocorrido no Japão, mais se têm levantado as vozes contra o uso da energia atómica. No Japão, um movimento cívico tem estado bastante activo nesta luta. Devemos tirar lições.
O texto que transcrevemos vem em Le Monde.fr: http://www.lemonde.fr/m/article/2011/12/23/ryota-sono-veut-liberer-le-japon-du-nucleaire_1621985_1575563.html
Rétrospective 2011 / Les anonymes, nouveaux héros de l'histoire en marche. – Avec la catastrophe de Fukushima le 11 mars, ce jeune militant d'extrême gauche a trouvé une nouvelle cause. Depuis, Ryota Sono est à la tête de toutes les manifs antinucléaires. Rencontre avec un idéaliste à l'énergie inépuisable.
Par Philippe Mesmer
SI LA CONTESTATION ANTINUCLÉAIRE au Japon devait avoir un visage, ce pourrait être celui de Ryota Sono. A 30 ans, le natif de Tokyo, militant de nombreuses causes et très engagé à la gauche de la gauche, a acquis une réelle dimension depuis le séisme et le tsunami du 11 mars qui ont fait 20 000 morts et disparus. Le drame a été suivi par la crise nucléaire de la centrale de Fukushima-Daiichi. Classée en avril au niveau 7 de l'échelle des événements nucléaires et radiologiques (INES), le même degré de gravité que celui attribué à la catastrophe de Tchernobyl, elle a bouleversé la vie de milliers de Japonais et condamné durablement une partie du territoire. Si tout se passe bien, il faudra au moins trois décennies pour surmonter ses conséquences.
La crise a également rouvert le débat sur le nucléaire dans le monde. Plusieurs pays, comme l'Allemagne ou la Suisse, ont choisi de renoncer à cette source d'énergie. Au Japon, la discussion peine à s'imposer, même si la tragédie de Fukushima a mis en évidence la dangerosité de cette technologie dans un pays soumis à fort risque sismique.
Mais, confronté à un puissant lobby réunissant compa-gnies d'électricité, industriels, hauts fonctionnaires, voire certains universitaires, le tout avec une certaine complicité des médias, les autorités se gardent d'adopter une position tranchée sur la question. Le 13 juillet, Naoto Kan, alors premier ministre, évoquait une baisse progressive de la dépendance au nucléaire, mais devait tempérer son affirmation quelques jours plus tard. Il a cependant obtenu que tous les réacteurs du Japon soient soumis à une double série de tests de résistance avant d'être relancés. De telles opérations prennent du temps et, actuellement, seuls 8 des 54 réacteurs du Japon sont encore en fonctionnement. Si aucun n'est relancé, tous seront arrêtés au printemps prochain.
Cela signifie-t-il que la sortie du nucléaire va finalement s'imposer au Japon ? Pas sûr. Le gouvernement de Yoshihiko Noda, successeur de Naoto Kan, reste ambigu puisqu'il continue de promouvoir l'exportation de l'énergie atomique made in Japan. Pourtant, tourner la page du nucléaire dans l'archipel est urgent. C'est en tous les cas ce que pense Ryota Sono, qui fut l'un des premiers à se dresser contre la forteresse nucléaire japonaise.
Le 12 mars, "après avoir mis un masque pour se protéger des retombées radioactives", il organisait un premier rassemblement devant le siège de Tepco, la Compagnie d'électricité de Tokyo propriétaire et opérateur de la centrale de Fukushima-Daiichi. Ce jour-là, une vingtaine de personnes répondent à son appel. "Je n'ai pas voulu fuir Tokyo car je suis né ici. Et la colère contre le gouvernement était trop forte", témoigne-t-il. La volonté s'appuie également sur un constat : "Si Tokyo est victime des radiations, la ville est aussi coupable. C'est là que se concentrent les richesses, et les centrales qui lui fournissent son électricité se trouvent loin, à Fukushima notamment, qui en subit aujourd'hui les conséquences."
Pour Ryota Sono, la lutte contre le nucléaire est un nouveau combat. "J'ai pris conscience de l'importance de cette question au moment de l'accident, raconte cet ancien salarié du monde de l'édition devenu freeter - contraction de free et d'Arbeiter qui qualifie les jeunes vivant de petits boulots et adhérent entre autres du syndicat Freeter Union. J'ai compris à quel point nous étions tous concernés."
AVANT DE S'ENGAGER CONTRE LE NUCLÉAIRE, il militait pour de multiples causes, notamment contre le racisme ou pour défendre les travailleurs précaires. "Je l'ai croisé pour la première fois il y a deux ans dans une manifestation contre les bases américaines au Japon, raconte Kazuyuki Tokune, un ancien salarié aujourd'hui engagé dans l'action sociale, qui avoue une certaine admiration pour le jeune homme. Il est toujours prêt à agir, se range systématiquement du côté des plus vulnérables contre les plus forts."
L'engagement de Ryota Sono est absolu, politique, alimenté par une volonté de voir partir "immédiatement" les politiciens au pouvoir, pour "mettre en place un gouvernement d'inspiration socialiste".
Communicative, sa détermination lui a permis de mobiliser des gens pour maintenir une présence quotidienne devant le siège de Tepco. "Je voulais venir manifester tous les jours, mais ce n'était pas possible. D'autres se sont joints au mouvement et nous nous sommes relayés." Histoire d'entretenir la flamme autour d'un bâtiment blanc et noir surmonté d'une impressionnante antenne, aujourd'hui protégé par des cars chargés de policiers, qui lui donnent une allure de bunker.
Outre ces rassemblements, Ryota Sono contribue avec d'autres mouvements à l'organisation de manifestations. Même si le jeune militant juge les Japonais "trop lents à se mobiliser", elles attirent des gens qui, parfois, manifestent pour la première fois. Depuis le mois de mars, pas une semaine ne passe sans une ou deux manifestations – à Tokyo ou ailleurs – à l'appel d'organisations comme Gensuikin, les syndicats Doro-Chiba ou Zengakuren, voire Tanpopo-sha, une association née en 1989, quand le Japon s'inquiétait de la contamination radioactive des produits alimentaires provoquée par l'accident de Tchernobyl.
Alimentée par la crainte des retombées radioactives, motivée par les sondages qui indiquent que plus des deux tiers des Japonais souhaitent aujourd'hui une sortie progressive du nucléaire et encouragée par les engagements de personnalités comme les écrivains Kenzaburo Oe ou Haruki Murakami, la mobilisation n'a cessé de s'intensifier avec des pointes : 15 000 personnes ont participé le 16 avril dans le quartier tokyoïte de Koenji à une "manifestation supermassive contre les centrales nucléaires". Plusieurs milliers l'ont fait le 11 juin. Ils étaient 40 000 le 19 septembre, toujours à Tokyo. Ces chiffres sont loin de ceux enregistrés en Allemagne par exemple, mais pour le Japon, où la tradition revendicative semble oubliée depuis les années 1970, ils apparaissent élevés.
Le 11 septembre, pour marquer les six mois de la catastrophe, 3 000 personnes se rassemblaient à Kobe (ouest) pour écouter l'un des rares parlementaires critiques du nucléaire, Taro Kono. A Tokyo, quelque 1 500 personnes bravaient un impressionnant dispositif policier pour littéralement encercler le ministère de l'économie, du commerce et de l'industrie (METI), l'administration en charge du nucléaire. Elles brandissaient des banderoles rappelant notamment qu'un "autre Fukushima peut arriver". Le même jour, quatre jeunes d'une vingtaine d'années commençaient une grève de la faim qui devait durer dix jours. Des militants en profitaient pour dresser une tente près du ministère, qui n'a pas été enlevée et qui entretient toujours la contestation en reprenant les slogans des "indignés" du monde entier, comme ce "Occupy Kasumigaseki" (le quartier des ministères à Tokyo) qui fait écho au désormais fameux "Occupy Wall Street".
A chaque fois, Ryota Sono est là. Toujours en première ligne, à soutenir les jeunes grévistes de la faim ou, armé d'un haut-parleur, à lancer les slogans du genre "Arrêtez les centrales !" ou à appeler les compagnies d'électricité et le gouvernement à assumer leurs responsabilités dans l'accident nucléaire. Pour lui, "les autorités refusent d'admettre la culpabilité de l'archipel, pourtant à l'origine d'une contamination qui ne se limite par à son territoire".
Il déploie une énergie fiévreuse, étonnante pour un jeune homme à l'allure si frêle. Difficile d'obtenir cinq minutes tranquilles pour lui parler. Souvent vêtu de noir ou de kaki, il virevolte, inquiet quand il apprend des arrestations, nombreuses certains jours comme le 11 septembre, où il y eut des heurts avec de militants d'extrême droite, enflammé quand il se brise la voix à haranguer les manifestants ou à lancer ses messages aux fonctionnaires réfugiés dans leurs ministères ultraprotégés.
SON REGARD FERME, quelque fois dur, parfois assorti d'une pointe de tristesse, et son sourire rare témoignent de sa détermination et de son impatience. Son omniprésence lui vaut d'être très surveillé par la police. Le 23 septembre, il est arrêté au cours d'un rassemblement. Selon le réseau No-Vox, auquel il appartient, "l'intervention brutale des policiers a eu lieu après un ordre "Arrêtez-le !" qui visait directement Ryota Sono". L'avocat qui a pu le rencontrer après son arrestation a rapporté des blessures au visage et des bleus sur tout le corps. Il a été libéré le 5 octobre après une mobilisation qui a gagné la France, le jeune homme entretenant des liens notamment avec l'association DAL (Droit au logement).
Cela n'a pas refroidi son ardeur et, le 11 décembre, pour les neuf mois de la catastrophe, il était en tête du cortège des 1 000 personnes qui ont à nouveau défilé à Tokyo à proximité du siège de Tepco et du METI. Rien ne semble pouvoir arrêter celui qui se dit admiratif du militantisme pratiqué par le Nouveau Parti anticapitaliste, le NPA français. Il a toujours un mot à lancer pour critiquer les puissants. Il reproche également aux médias japonais de ne pas parler du mouvement antinucléaire. "La plupart des chaînes de télévision et des grands journaux sont sous contrôle des milieux d'affaires et du gouvernement", déplore-t-il.
En marge de son action, il a trouvé le temps d'écrire un livre titré Boku ga Toden mae ni tattawake ("Pourquoi je me suis dressé devant Tepco"). Sur la couverture, on le voit, debout de dos, devant le siège de Tepco. Une sorte de David prêt à affronter le Goliath du nucléaire. "Dans cet ouvrage, explique-t-il, j'ai voulu condamner le discours officiel adopté depuis le début de la crise et axé sur la mobilisation de tous pour un objectif unique, en l'occurrence la reconstruction, un discours qui ne supporte pas la contradiction. C'est un peu comme pendant la seconde guerre mondiale avec le gouvernement militariste d'union nationale (kyokoku itchi), quand tout le monde devait agir pour la victoire."
"Et puis, ajoute-t-il, je voulais laisser un témoignage de tout ce que j'ai vécu et qui a été fait jusque-là. Par exemple, je me souviens que, dans les premiers jours de la crise, quand j'allais dans les magasins, j'ai souvent eu le sentiment de vivre comme en période de guerre."
O texto que transcrevemos vem em Le Monde.fr: http://www.lemonde.fr/m/article/2011/12/23/ryota-sono-veut-liberer-le-japon-du-nucleaire_1621985_1575563.html
Ryota Sono veut libérer le Japon du nucléaire
Rétrospective 2011 / Les anonymes, nouveaux héros de l'histoire en marche. – Avec la catastrophe de Fukushima le 11 mars, ce jeune militant d'extrême gauche a trouvé une nouvelle cause. Depuis, Ryota Sono est à la tête de toutes les manifs antinucléaires. Rencontre avec un idéaliste à l'énergie inépuisable.
Par Philippe Mesmer
SI LA CONTESTATION ANTINUCLÉAIRE au Japon devait avoir un visage, ce pourrait être celui de Ryota Sono. A 30 ans, le natif de Tokyo, militant de nombreuses causes et très engagé à la gauche de la gauche, a acquis une réelle dimension depuis le séisme et le tsunami du 11 mars qui ont fait 20 000 morts et disparus. Le drame a été suivi par la crise nucléaire de la centrale de Fukushima-Daiichi. Classée en avril au niveau 7 de l'échelle des événements nucléaires et radiologiques (INES), le même degré de gravité que celui attribué à la catastrophe de Tchernobyl, elle a bouleversé la vie de milliers de Japonais et condamné durablement une partie du territoire. Si tout se passe bien, il faudra au moins trois décennies pour surmonter ses conséquences.
La crise a également rouvert le débat sur le nucléaire dans le monde. Plusieurs pays, comme l'Allemagne ou la Suisse, ont choisi de renoncer à cette source d'énergie. Au Japon, la discussion peine à s'imposer, même si la tragédie de Fukushima a mis en évidence la dangerosité de cette technologie dans un pays soumis à fort risque sismique.
Mais, confronté à un puissant lobby réunissant compa-gnies d'électricité, industriels, hauts fonctionnaires, voire certains universitaires, le tout avec une certaine complicité des médias, les autorités se gardent d'adopter une position tranchée sur la question. Le 13 juillet, Naoto Kan, alors premier ministre, évoquait une baisse progressive de la dépendance au nucléaire, mais devait tempérer son affirmation quelques jours plus tard. Il a cependant obtenu que tous les réacteurs du Japon soient soumis à une double série de tests de résistance avant d'être relancés. De telles opérations prennent du temps et, actuellement, seuls 8 des 54 réacteurs du Japon sont encore en fonctionnement. Si aucun n'est relancé, tous seront arrêtés au printemps prochain.
Cela signifie-t-il que la sortie du nucléaire va finalement s'imposer au Japon ? Pas sûr. Le gouvernement de Yoshihiko Noda, successeur de Naoto Kan, reste ambigu puisqu'il continue de promouvoir l'exportation de l'énergie atomique made in Japan. Pourtant, tourner la page du nucléaire dans l'archipel est urgent. C'est en tous les cas ce que pense Ryota Sono, qui fut l'un des premiers à se dresser contre la forteresse nucléaire japonaise.
Suite au tsunami du 11 mars, la centrale de Fukushima-Daiichi, sur la côte nord-est du Japon, est victime d'un accident nucléaire qui sera classé de niveau 7, un degré de gravité égal à celui attribué à la catastrophe de Tchernobyl. AFP/AIR PHOTO SERVICE
Le 12 mars, "après avoir mis un masque pour se protéger des retombées radioactives", il organisait un premier rassemblement devant le siège de Tepco, la Compagnie d'électricité de Tokyo propriétaire et opérateur de la centrale de Fukushima-Daiichi. Ce jour-là, une vingtaine de personnes répondent à son appel. "Je n'ai pas voulu fuir Tokyo car je suis né ici. Et la colère contre le gouvernement était trop forte", témoigne-t-il. La volonté s'appuie également sur un constat : "Si Tokyo est victime des radiations, la ville est aussi coupable. C'est là que se concentrent les richesses, et les centrales qui lui fournissent son électricité se trouvent loin, à Fukushima notamment, qui en subit aujourd'hui les conséquences."
Pour Ryota Sono, la lutte contre le nucléaire est un nouveau combat. "J'ai pris conscience de l'importance de cette question au moment de l'accident, raconte cet ancien salarié du monde de l'édition devenu freeter - contraction de free et d'Arbeiter qui qualifie les jeunes vivant de petits boulots et adhérent entre autres du syndicat Freeter Union. J'ai compris à quel point nous étions tous concernés."
AVANT DE S'ENGAGER CONTRE LE NUCLÉAIRE, il militait pour de multiples causes, notamment contre le racisme ou pour défendre les travailleurs précaires. "Je l'ai croisé pour la première fois il y a deux ans dans une manifestation contre les bases américaines au Japon, raconte Kazuyuki Tokune, un ancien salarié aujourd'hui engagé dans l'action sociale, qui avoue une certaine admiration pour le jeune homme. Il est toujours prêt à agir, se range systématiquement du côté des plus vulnérables contre les plus forts."
L'engagement de Ryota Sono est absolu, politique, alimenté par une volonté de voir partir "immédiatement" les politiciens au pouvoir, pour "mettre en place un gouvernement d'inspiration socialiste".
Communicative, sa détermination lui a permis de mobiliser des gens pour maintenir une présence quotidienne devant le siège de Tepco. "Je voulais venir manifester tous les jours, mais ce n'était pas possible. D'autres se sont joints au mouvement et nous nous sommes relayés." Histoire d'entretenir la flamme autour d'un bâtiment blanc et noir surmonté d'une impressionnante antenne, aujourd'hui protégé par des cars chargés de policiers, qui lui donnent une allure de bunker.
Outre ces rassemblements, Ryota Sono contribue avec d'autres mouvements à l'organisation de manifestations. Même si le jeune militant juge les Japonais "trop lents à se mobiliser", elles attirent des gens qui, parfois, manifestent pour la première fois. Depuis le mois de mars, pas une semaine ne passe sans une ou deux manifestations – à Tokyo ou ailleurs – à l'appel d'organisations comme Gensuikin, les syndicats Doro-Chiba ou Zengakuren, voire Tanpopo-sha, une association née en 1989, quand le Japon s'inquiétait de la contamination radioactive des produits alimentaires provoquée par l'accident de Tchernobyl.
Alimentée par la crainte des retombées radioactives, motivée par les sondages qui indiquent que plus des deux tiers des Japonais souhaitent aujourd'hui une sortie progressive du nucléaire et encouragée par les engagements de personnalités comme les écrivains Kenzaburo Oe ou Haruki Murakami, la mobilisation n'a cessé de s'intensifier avec des pointes : 15 000 personnes ont participé le 16 avril dans le quartier tokyoïte de Koenji à une "manifestation supermassive contre les centrales nucléaires". Plusieurs milliers l'ont fait le 11 juin. Ils étaient 40 000 le 19 septembre, toujours à Tokyo. Ces chiffres sont loin de ceux enregistrés en Allemagne par exemple, mais pour le Japon, où la tradition revendicative semble oubliée depuis les années 1970, ils apparaissent élevés.
Des policiers en combinaison anti-radiations interviennent le 17 avril dans la zone d'exclusion autour de la centrale nucléaire. AFP/STR
Le 11 septembre, pour marquer les six mois de la catastrophe, 3 000 personnes se rassemblaient à Kobe (ouest) pour écouter l'un des rares parlementaires critiques du nucléaire, Taro Kono. A Tokyo, quelque 1 500 personnes bravaient un impressionnant dispositif policier pour littéralement encercler le ministère de l'économie, du commerce et de l'industrie (METI), l'administration en charge du nucléaire. Elles brandissaient des banderoles rappelant notamment qu'un "autre Fukushima peut arriver". Le même jour, quatre jeunes d'une vingtaine d'années commençaient une grève de la faim qui devait durer dix jours. Des militants en profitaient pour dresser une tente près du ministère, qui n'a pas été enlevée et qui entretient toujours la contestation en reprenant les slogans des "indignés" du monde entier, comme ce "Occupy Kasumigaseki" (le quartier des ministères à Tokyo) qui fait écho au désormais fameux "Occupy Wall Street".
A chaque fois, Ryota Sono est là. Toujours en première ligne, à soutenir les jeunes grévistes de la faim ou, armé d'un haut-parleur, à lancer les slogans du genre "Arrêtez les centrales !" ou à appeler les compagnies d'électricité et le gouvernement à assumer leurs responsabilités dans l'accident nucléaire. Pour lui, "les autorités refusent d'admettre la culpabilité de l'archipel, pourtant à l'origine d'une contamination qui ne se limite par à son territoire".
Il déploie une énergie fiévreuse, étonnante pour un jeune homme à l'allure si frêle. Difficile d'obtenir cinq minutes tranquilles pour lui parler. Souvent vêtu de noir ou de kaki, il virevolte, inquiet quand il apprend des arrestations, nombreuses certains jours comme le 11 septembre, où il y eut des heurts avec de militants d'extrême droite, enflammé quand il se brise la voix à haranguer les manifestants ou à lancer ses messages aux fonctionnaires réfugiés dans leurs ministères ultraprotégés.
SON REGARD FERME, quelque fois dur, parfois assorti d'une pointe de tristesse, et son sourire rare témoignent de sa détermination et de son impatience. Son omniprésence lui vaut d'être très surveillé par la police. Le 23 septembre, il est arrêté au cours d'un rassemblement. Selon le réseau No-Vox, auquel il appartient, "l'intervention brutale des policiers a eu lieu après un ordre "Arrêtez-le !" qui visait directement Ryota Sono". L'avocat qui a pu le rencontrer après son arrestation a rapporté des blessures au visage et des bleus sur tout le corps. Il a été libéré le 5 octobre après une mobilisation qui a gagné la France, le jeune homme entretenant des liens notamment avec l'association DAL (Droit au logement).
Cela n'a pas refroidi son ardeur et, le 11 décembre, pour les neuf mois de la catastrophe, il était en tête du cortège des 1 000 personnes qui ont à nouveau défilé à Tokyo à proximité du siège de Tepco et du METI. Rien ne semble pouvoir arrêter celui qui se dit admiratif du militantisme pratiqué par le Nouveau Parti anticapitaliste, le NPA français. Il a toujours un mot à lancer pour critiquer les puissants. Il reproche également aux médias japonais de ne pas parler du mouvement antinucléaire. "La plupart des chaînes de télévision et des grands journaux sont sous contrôle des milieux d'affaires et du gouvernement", déplore-t-il.
En marge de son action, il a trouvé le temps d'écrire un livre titré Boku ga Toden mae ni tattawake ("Pourquoi je me suis dressé devant Tepco"). Sur la couverture, on le voit, debout de dos, devant le siège de Tepco. Une sorte de David prêt à affronter le Goliath du nucléaire. "Dans cet ouvrage, explique-t-il, j'ai voulu condamner le discours officiel adopté depuis le début de la crise et axé sur la mobilisation de tous pour un objectif unique, en l'occurrence la reconstruction, un discours qui ne supporte pas la contradiction. C'est un peu comme pendant la seconde guerre mondiale avec le gouvernement militariste d'union nationale (kyokoku itchi), quand tout le monde devait agir pour la victoire."
"Et puis, ajoute-t-il, je voulais laisser un témoignage de tout ce que j'ai vécu et qui a été fait jusque-là. Par exemple, je me souviens que, dans les premiers jours de la crise, quand j'allais dans les magasins, j'ai souvent eu le sentiment de vivre comme en période de guerre."
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