21/09/2011

6eme Plate-forme de Dublin des Defenseurs des Droits de Humains (Allocution de Biram Dah ABEID)

FRONTLINE DEFENDERS

The International Foundation for the Protection of Human Rights defenders
6eme Plate-forme de Dublin des Defenseurs des Droits de Humains

14-16 Septembre, Dublin-Castle, Irlande

Allocution de Biram Dah ABEID,

Mesdames, Messieurs, amis de la liberté !

De prime abord, je proposerai qu`’on dédie cette cession au camarade Boulkheir Cheikh Dieng, incarcéré injustement en Mauritanie, pour avoir dénonce l`’esclavage par ascendance auquel est soumise sa communauté, les hratin, depuis des siècles.

Notre mouvement l’Initiative pour résurgence du mouvement abolitionniste (Ira) a été fondée, en 2008, pour combler le vide politique d’une véritable alternative au système de domination, capable, à la fois, de théoriser la rupture et de la traduire par des actes d’engagement concret, en termes de lutte dans la société et au sommet du pouvoir. Ils d’agit d’une démarche conjuguée, convergente, du haut et du bas, qui allie l’exigence révolutionnaire, à la lucidité réformiste. Ira Mauritanie dit la réalité du système, la décrit, la dénude, la décortique, la vide de tout son mystère, afin d’en mieux exposer l’inanité ; ainsi, les masses, désabusées, désaliénées par l’exposé clinique du mensonge d’Etat, trouvent-elles la ressource morale de le déconstruire, une faculté que l’on appelle communément « volontarisme ».

Oui, nous sommes des volontaires de la rupture, graduelle certes mais radicale, définitive, d’avec toute forme de coercition, de détournement des consciences, de légitimation religieuse de l’insupportable ; nous n’acceptons, non plus, l’antique dissuasion sous le glaive.

La protection des défenseurs des droits de l’Homme ne constitue pas un sujet d’études ni d’observation chez nous ; elle est notre quotidien, fait d’arrestations arbitraires, de bastonnades copieuses par la police, de procès iniques où le juge, pour vous exclure du périmètre de l’empathie, commence par vous jeter l’anathème de circonstance : « atteinte à l’image du pays, organisation non autorisée, acte de sédition, manifestation non autorisée » sont des chefs d’accusation conçus pour nous, quasiment par prédestination génétique.

En quelques attendus, vous voici au seuil de l’univers carcéral, privé de la moindre compassion, avec, pour unique perspective « vous dédire ou subir » ! Ainsi, en quelques mois seulement, notre organisation a déjà essuyé deux passages au tribunal, suivis de condamnations sévères ; les violences sur nos militants relèvent, elles, du passage initiatique ; battus, blessés jusqu’à l’évacuation médicale en urgence, ils devaient se justifier de manifester contre la collusion ostentatoire des agents de l’Etat, y compris les magistrats et la police, avec les auteurs de pratiques esclavagistes !! Voici l’’accusateur obligé à la révision brutale de ses priorités ; au lieu de poursuivre son effort à confondre le criminel, il ne s’évertue plus qu’à éviter la prison !

La spécificité du cas mauritanien déborde d’ironie : malgré une loi relativement explicite en matière de lutte contre la traite et l’exploitation des humains, les maitres peuvent, au moindre incident, compter sur la logique consubstantielle à l’hégémonie, une sorte de solidarité par esprit de corps, si épaisse et efficace qu’elle défie le plu tatillon des législateurs: dans un pays où le pouvoir politique, matériel, militaire et religieux appartient à la minorité arabo-berbère et cela depuis des siècles, le droit protège, nécessairement, un tel acquis.

L’accumulation historique du tort et l’actualité du crime, loin de nourrir une quelconque culpabilité parmi les élites dirigeantes, ne font qu’y sédimenter, encore davantage, la manie du déni aux contours pathologiques : dans l’état d’esprit des gardiens du système, l’expression dénudée du tabou, la revendication de l’ordre « naturel » du racisme devient un extrémisme à endiguer, au prix de mille et une ruses !

Patiemment, par petites touches rhétoriques et un savant dosage de propagande et de culture de la panique comme principe du lien social, les auteurs d’actes esclavagistes se présentent en victimes d’une tentative de déstabilisation, de préférence téléguidée de l’étranger, en général juif ou chrétien. Dans le premier cas, l’antisémitisme ambiant favorisera une sanction aggravée. Ainsi exclu de la communauté de destin, toujours menacé de se voir déchu de sa qualité de musulman sans quoi sa vie vaut en soi, le défenseur des droits de l’Homme mauritanien, doit survivre dans le besoin vital de se nourrir, de s’habiller, de se soigner et, malgré l’épreuve, songer à poursuivre le combat ! Et, si vous êtes noir, descendant d’esclave ou d’une ethnie non arabophone, gare au séjour dans l’un de ces commissariat de police où s’affiche l’insulte raciste ; le concept de la dignité humaine, est considérée, dans ces milieux obscurantistes, comme une invention de l’Occident ; la torture, routinière, y prévaut, au titre d’une banalité professionnelle, comme le passe-droit tribal ou l’obligation de payer pour obtenir une visite, un repas, des médicaments, etc.

Mesdames et Messieurs, aucun texte de loi ne protège le défenseur des droits humains en Mauritanie. Le pays refuse d’adhérer au Statuts de la Cour pénale internationale (Cpi) et élude le débat sur la peine de mort ; le Parlement, parfaite incarnation du rapport des forces séculaire, ne reflète que les préoccupations de segments tribaux qui se disputent la préséance, loin de la problématique de l’égalité, pourtant la question du moment, le seul vrai enjeu du devenir mauritanien.

Pour faire évoluer l’idée - confidentielle encore – que l’impunité tue le potentiel de la paix civile en Mauritanie, nous sommes contraints de recourir à des méthodes spectaculaires, avec leur dose de provocation, de secousses hardies sur les flancs de la bête grasse mais nous demeurons dans la stricte mesure de la non-violence car tel reste notre choix, par conviction et certitude de l’efficacité.

Ira Mauritanie et quelques autres formations amies tentent, avec talent et un sens de l’innovation, de persuader les mauritaniens que la vie de l’’Homme, au-delà de toute différenciation de sexe, sa liberté et l’intégrité de son corps, méritent une sacralisation absolue. C’est cette contre-culture, totalement absente du corpus de valeurs légué par la domination, que nous sommes résolus à promouvoir, avec votre soutien.

Chers amis, le printemps arabe l’a prouvé : les formidables forces du renouveau sommeillent sous la botte prétorienne ; la Libye vient d’illustrer le prix de l’espérance, bien plus fort que la Tunisie et l’Egypte ; oui, quand l’oppresseur recourt à la violence brute contre les Défenseurs pacifiques, la lutte armée, malheureusement, se justifie, comme une nécessité et le devoir d’ingérence, devient, une simple modalité ; ces principes découlent de notre appartenance à la même espèce, celle des humains broyés par la barbarie.

Notre silence et notre inertie, peuvent tuer.

Des esprits sclérosés crient à l’impérialisme dès que la conscience humaine viole les frontières, au nom d’une perception universaliste de la justice. Or, mes camarades et moi soutenons la proposition inverse : dans le domaine du droit international public, le monde est fondé à juger, désormais, la nonassistance à un peuple en danger, pour prévenir le génocide. De ce point de vue, le concept de « responsabilité de protéger », tel qu’entendu par les Nations unies, nous semble bien timoré face aux situations d’arbitraire aussi extrêmes qu’en Birmanie, Corée du Nord, Iran, Syrie, ou en Mauritanie, etc.

Les véto automatiques et prévisibles de la Chine populaire et de la Russie, à présent soutenus par la diplomatie de puissances émergentes comme le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Inde, retardent l’émancipation démocratique des peuples et accordent du temps aux dictatures, dans leur quête d’échappatoire historique.

Mesdames et messieurs, vive la liberté conquérante et vive le devoir d’ingérence ! Je vous remercie.

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